Chronique

Plus de muscle pour les consommateurs

Québec poursuit sur sa lancée et présente un nouveau projet de loi pour mieux protéger les consommateurs. Des vacances à temps partagé (time-sharing) à la revente de billets de spectacles en passant par les préarrangements funéraires, le gouvernement offre plusieurs mesures ciblées pour régler de réels problèmes, explique notre chroniqueuse Stéphanie Grammond.

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Là où ça fait mal

Chose promise, chose faite. La nouvelle ministre des consommateurs Lise Thériault, qui s’était engagée à renforcer la Loi sur la protection du consommateur (LPC) au fur et à mesure que les problèmes surgissent, vient de passer de la parole aux actes.

« Je pense qu’un projet de loi par année, ce n’est pas de trop. Il y a tellement de nouvelles affaires qui se passent qu’on doit s’adapter rapidement », répète celle qui est devenue, l’automne dernier, la ministre responsable de la Protection des consommateurs et de l’Habitation, un poste qui n’existait plus depuis 30 ans.

Au lieu de faire languir les consommateurs pendant de longues années pour pondre une réforme complète de la LPC, Mme Thériault propose quelques mesures ciblées qui vont agir là où ça fait mal. Elle s’attaque à des problèmes bien réels comme la vente à pression de vacances à temps partagé (time-sharing).

Mais le projet de loi 178, présenté hier à l’Assemblée nationale, prévoit aussi des mesures pour mieux encadrer les services funéraires et la revente de billets de spectacles (voir l’onglet suivant).

« Ça fait des années qu’on espérait que ça bouge du côté législatif. C’est un autre pas dans la bonne direction. »

— Sylvie De Bellefeuille, avocate chez Option consommateurs

Toutefois, les organismes de défense des consommateurs restent déçus de la mesure visant à interdire la sollicitation pour des cartes de crédit dans les établissements d’enseignement, qui ne vise pas les universités.

« On trouve la proposition très décevante, parce qu’elle est trop restreinte », dit Sarah Maillé, porte-parole de l’Union des consommateurs.

C’est bien dommage, en effet. Au lieu de succomber à la première carte de crédit offerte sur le campus, les étudiants devraient plutôt être encouragés à faire leurs devoirs et à magasiner pour dénicher celle qui est le mieux adaptée à leurs besoins.

Mais la ministre n’a pas voulu faire de vagues.

« Tant qu’à déposer quelque chose qui prêterait à controverse, j’aime mieux privilégier la stratégie des petits pas pour faire en sorte qu’on puisse protéger, dans un premier temps, les plus jeunes étudiants. »

— Lise Thériault

Québec a aussi accouché hier d’un projet de réglementation qui touche notamment des programmes de fidélisation comme Air Miles, qui avait soulevé un tollé en annonçant l’expiration de ses points.

Cette pratique a été interdite dans le projet de loi 134 déposé avant Noël qui visait le surendettement. Mais tout se joue dans les détails… ou plutôt dans les règlements qui accompagnent la loi.

On a donc appris hier que Québec allait permettre aux programmes de fidélisation de faire expirer les points accumulés lorsque leurs clients ont laissé leur compte inactif durant plus d’un an, à condition qu’ils soient avertis 30 jours avant la date fatidique. Mais comme les clients ne portent pas toujours attention à ces petits avis, ça va ruer encore dans les brancards.

Par contre, Québec défendra aux programmes de fidélisation de contourner l’esprit de la loi en diminuant de façon « disproportionnée » la valeur des points accumulés par leurs membres. Bravo ! À ce chapitre, Québec va au-delà des règles adoptées récemment par l’Ontario. Mais encore faut-il que le règlement soit adopté tel quel…

La ministre espère que l’adoption des règlements pourrait avoir lieu d’ici le mois de juin, tout comme les nouvelles mesures annoncées hier.

Ne restera plus à la ministre Thériault qu’à trouver un peu de temps pour faire aboutir d’ici la fin du printemps la réforme des règles entourant les copropriétés que l’industrie réclame quasi unanimement depuis trop longtemps. « Ça chemine », assure-t-elle.

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De belles avancées pour les consommateurs

Dans son nouveau projet de loi, Québec touche à plusieurs problèmes. Tour d'horizon.

Vacances à temps partagé

Enfin un grand ménage dans l’industrie malsaine des vacances à temps partagé ! Pour faire échec aux tactiques de vente à pression dans le time-sharing, Québec va donner 10 jours aux consommateurs pour annuler leur contrat. Ce délai s’étirera jusqu’à un an si le contrat ne contenait pas toutes les informations qui seront désormais obligatoires.

Les clients sauront donc mieux à quoi s’attendre. Trop souvent, ces programmes sont vendus sous de fausses allégations. Les clients sont ensuite incapables de revendre leurs points qui ne valent presque plus rien et ils doivent continuer de payer des frais d’utilisation salés ad vitam æternam. À cet effet, une action collective contre le Club Intrawest, à Tremblant, vient d’ailleurs d’être autorisée.

Crédit sur les bancs d’école

Depuis le temps qu’on en parle, le projet de loi 178 empêchera finalement la sollicitation pour les cartes de crédit dans les établissements d’enseignement. Mais les universités sont exclues, ce que déplorent les associations de consommateurs. « Selon nous, ça devrait inclure les universités. C’est souvent là que les jeunes se font attraper », constate Sylvie De Bellefeuille, avocate chez Option consommateurs.

Autre gros manque : le projet de loi interdit la sollicitation pour des cartes de crédit, mais reste muet sur les autres formes de crédit, notamment les marges qui sont un facteur d’endettement majeur pour les étudiants. Imaginez, certaines institutions financières offrent des marges allant jusqu’à 275 000 $. Complètement fou !

Frais funéraires en double

Pour éviter que les clients paient en double, Québec va créer un registre des contrats d’arrangement préalable de services funéraires. Excellente idée, car à moins que les papiers soient très en ordre, il y a un risque important que la succession ne sache pas que la personne décédée a conclu un préarrangement. Cela ne se produira plus, car les vendeurs seront obligés de consulter le registre avant de vendre un nouvel arrangement.

Le projet de loi encadrera aussi les contrats signés par les proches d’une personne décédée lorsqu’ils se présentent au salon funéraire. Les nouvelles dispositions devraient faciliter le magasinage pour ces personnes très vulnérables qui se retrouvent souvent à payer le gros prix.

Les scalpers du web

Québec va donner un autre tour de vis aux revendeurs de billets de spectacles qui ont trouvé le moyen de contourner la loi instaurée en 2011 afin de glaner des tonnes de billets pour les revendre au gros prix.

Désormais, ces scalpers du web n’auront plus le droit d’utiliser un robot qui contourne le système de contrôle des producteurs de spectacles pour acheter massivement des billets. Reste à voir comment on s’y prendra pour attraper les fin finauds qui manient la technologie…

Les revendeurs de billets devront aussi informer les clients que le prix payé leur sera remboursé si l’événement est annulé, ou s’ils ne peuvent pas être admis à cause d’une contrefaçon, notamment.

Crédit à taux exorbitant

Dans le projet de loi 134 déposé l’automne dernier, Québec a serré la vis aux vautours de la détresse financière. Notamment, les prêteurs à coût élevé devront remettre aux emprunteurs, avant la conclusion du contrat, une copie des documents contenant leur ratio d’endettement et l’évaluation de leur capacité de remboursement.

Le règlement déposé hier précise le taux à partir duquel le prêteur sera soumis à ces obligations :  22 % au-dessus du taux directeur de la Banque du Canada qui est actuellement à 1,25 %. Cela nous mène à 23,25 %. Bien des cartes de crédit tombent dans cette catégorie. Il sera intéressant de voir comment les émetteurs s’adapteront…

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